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8 novembre 2013 5 08 /11 /novembre /2013 22:27

 

OBJETS ABANDONNÉS SUR LE TROTTOIR, DEVANT LE 37 DE LA RUE DES LITOTES AUDACIEUSES, À TOULON, FRANCE, SUITE AU DÉMÉNAGEMENT DE LA FAMILLE LIDOINE, LE DIMANCHE 29 SEPTEMBRE 2013.

 

 

 

Un mètre cube environ jeté en vrac du Bulletin paroissial de Vissé-le-Maréchal (02, 284 habitants à ce jour), datés entre 1920 et 1955, soit près de 2000 fascicules faisant l'éloge des bons paroissiens, et ressassant les mêmes préceptes de la religion catholique et l'obligation dans laquelle sont ses adeptes de se soumettre à l'idée de la Faute et à l'autorité du Pape. Les nouveaux propriétaires des lieux voulaient que la cave attachée à l'appartement en fut débarrassée.

 

Une table de nuit ancienne au dessus de marbre cassé et au placage par endroits carbonisé.

 

Un pile de livres eux aussi en vrac à même le sol :

- L'élan nouveau de la RDA, Panorama DDR, 1966.

- Andréas Baader au tribunal de l'histoire, Collectif, Temps présent, 1976.

- Socialisme et barbarie, Collectif, Temps présent, 1972

- La chute des justes, par Jean-Denis de La Clavière, Editions de l'ordre à venir, 1982

- Allumeuses déchaînées, par Lasciva, éditions du jour, 1979.

- Allumeuses enchaînées, par Lasciva, éditions du jour, 1979.

- Programme commun de gouvernement du Parti socialiste et du Parti communiste, Notre temps, 1972.

- L'Afrique en pâture, Collectif, Editions sociales, 1975.

- Retiens ton souffle belle Irina, Pierre Georges, éditions du jour, 1978.

- Demain la lune, Sergueï Mikovitch, Le socialisme en marche, 1961.

- A peau nue, par Anne O'nyme, Editions du souffle de Satan, 1985. 

- Mort du fascisme pour l'éternité, Gérard Loiseux, La pensée internationaliste, 1948

 
 

 

 

A côté du fatras entassé gît un carton crevé sous l'abondance d'illustrés des années soixante, Blek le Roc, Tartine, Zembla, Pecos Bill, Tarzan, Akim, Picsou ; au fond duquel carton, exprès mis là pour donner un semblant de solidité à l'ensemble, reposent trois des premiers titres des aventures Tintin dans des éditions originales - dont les cotes cumulées peuvent atteindre jusqu'à quarante-cinq mille euros : Tintin au pays des Soviets, Tintin en Amérique, Le lotus bleu.


Douze pots de peinture entamés et non utilisés depuis vingt-quatre ans.

 

Quarante cinq boîtes de corned-beef portant toutes la même date de péremption du 15 juin 1984.

 

Un squelette sur pied destiné à l'éducation des enfants des écoles auquel il manque la moitié des ossements, ce qui lui confère une allure d'épouvantail ou de dépouille de pirate abandonnée sur une plage des Caraïbes par un compagnon désireux de conserver le butin pour lui seul.

 

Un canapé éventré laissant la mousse de son assise béer en dehors des frontières de tissu.

 

Cent-vingt trois boîtes de carton de même dimensions (20 x 15 x 8 cm), les trois quarts vides, les autres pleines de plantes médicinales de toutes sortes, desséchées par le temps, sans doute exemptes, en l'état, du moindre pouvoir curatif.

 

Une petite caisse de bois révélant jusqu'à la gueule divers matériaux aptes à réparer une roue de vélo crevée : colles, rustines, râpes, bassine – et même jusqu'à une chambre à air neuve, ou plutôt, jamais utilisée.

 

Un carton contenant en pièces détachées rouillées un robot mixeur, et portant sur une de ses faces un dessin représentant une jeune femme en train de faire de la gymnastique. Au dessous du dessin est noté en lettres rouges éclatantes :

« Le robot Atoutfair

Libère la ménagère »

 

 

2013 0178

 

 

 

 


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21 septembre 2013 6 21 /09 /septembre /2013 17:50

 

MÉMOIRE ADRÉSSÉ À L'ACADÉMIE DES SCIENCES ET BELLES LETTRES DE MONTPELLIER ET DÉFENDU EN SÉANCE D'ICELLE LE 14 MAI 1783, PORTANT RÉFUTATION DE LA THÈSE DU SIEUR JACQUES D'OMBREVILLE SELON LAQUELLE LES INSTRUMENTS DE MUSIQUE AURAIENT UNE ÂME. PAR ISIDORE DUPONT D'ALIGNAN, PROPRIÉTAIRE HUMANISTE. 

 

 

Chers académiciens, chers confrères,

 

 

Les bancs de notre académie on vu défiler quantité de savants dont nous pouvons honorer la mémoire et à propos desquels nous devons nous enorgueillir des lumières qu'ils ont apportées au monde. Mais notre histoire hélas est aussi constellée de quelques uns de ces faux-savants dont la seule vertu est de se parer des atours de la science sans que leur nature ne se montre jamais à la hauteur de leur art prétendu.

Permettez-moi tout d'abord de faire un rapide exposé de la théorie de monsieur d'Ombreville, lequel, tout à sa foi aveugle a publié un ridicule opuscule grâce auquel il envisage certainement de passer à la postérité aux côtés du sieur Arouet. Pardonnez-moi le sarcasme, mais n'est pas Voltaire qui veut. Car la véracité d'une opinion n'est pas conséquente à son émission.

Cet individu ci-présent ne mérite pas sa place sur les bancs de cette digne assemblée, parmi les plus brillantes figures de notre temps.

Qu'en est-il de sa théorie ? Elle n'est qu'un ramassis de crétinisme fait à la mode, pour se hausser du col ; fatuité d'un personnage ne cherchant qu'à se rendre premier parmi les premiers au risque de discréditer l'ensemble des savants ; orgueil démesuré, sentiment de supériorité que rien ne permet de justifier. Rendons grâce à Dieu que le peuple ne s'intéresse pas à nos affaires, nous serions à l'heure qu'il est la risée de la France entière. Je vous en prie d'Ombreville, vous eûtes votre heure de gloire à cette même tribune, laissez-moi mener ma démonstration à son terme. Ce personnage, qui a l'outrecuidance de jouer les offensés, ce personnage-là messieurs les académiciens, prétend que les instruments de musique ont une âme. Rien de moins. Des choses faites de bois et de métal, de tripes de chat et de crin de cheval. Cher bigot d'Ombreville, en lieu et place de défendre vos croyances par votre opuscule, vous ne fîtes qu'en révéler les limites, souffrez-en la critique et défaites-vous de votre jabot au risque de périr sur l'heure étouffé dans votre indignation et par son nœud trop serré, vous êtes tout rouge.

Oui messieurs, car il va de soi que si les instruments de musique ont une âme c'est qu'il les prétend habités du souffle de Dieu. Imaginerait-on un objet – un objet messieurs ! - habité du souffle de Dieu ? D'Ombreville, il m'a rarement été donné de tant rire à la lecture d'un ouvrage prétendument destiné à servir la science.

Je ne peux résister à la tentation chers collègues de vous en faire lecture de quelque passage, cette licence que je m'octroie d'occuper à cela une part de votre temps me sera pardonnée au plaisir que vous y prendrez.

Voici donc :

« Là où la nature ne se peut jamais ordonner en une suite logique de sons le basson peut le faire. Nous passons ici de l'innocence de l'oisillon poussant ses trilles au hasard, à la présence du clavecin organisant les accords, la mélodie, modulant le tempo. Le chant du ruisseau menu de nos montagnes est dû à la seule déclivité du terrain, celui de la harpe tout au contraire fait image de l'organisation de l'univers. Le musicien n'est pour rien à l'affaire, il n'est qu'un instrument au service de son instrument, lui même habité d'une volonté supérieure. Il nous paraît inutile de pousser plus loin la démonstration tant elle est criante de vérité, si la chose est possible c'est que le souffle de Dieu court sur les archets et les cordes des violes, se glisse dans les cors et les bassons. Dieu est partout donc Dieu est ici. »

 

Douze pages. Douze feuillets arrachés à la stupidité. Et fort heureusement vous nous fîtes l'épargne, d'Ombreville d'étaler votre galimatias sur des centaines de pages. Mais je crois que cela est dû davantage à la pauvreté de votre pensée qu'à l'envie que vous en eûtes. Vous dûtes surseoir, j'en suis certain, tari par la maigre épaisseur de votre pensée, et par la propension que vous avez à dire les choses dans leur plus simple appareil.

S'il vous eût été donné la faculté de le faire, si votre Dieu n'avait pas été aussi avare de verser en vous le talent le permettant, nul doute que vous eussiez empli des cahiers entiers de cette science pour boutiquiers.

 

Je vous épargnerai, messieurs, le passage suivant dans lequel celui qu'il faut bien nommer l’auteur, prétend que les femmes ayant leurs menstrues ne doivent pas s'approcher d'un orchestre en train de jouer, ni même de la salle où le concert est donné, au risque que les instruments se désaccordent et que l'ensemble se mette à jouer faux. A-t-on déjà entendu pareilles billevesées ? Mais baste, je crois que chacun ici a compris de quoi il retourne, laissons à d'Ombreville la responsabilité de ses assertions, lesquelles, chacun le sait ne se rapportent en réalité qu'aux liquides en fermentation.

 

Il est un fait que même l'être le plus vil et le plus bas, même le plus fermé à la connaissance, et aux Ecritures, même celui-là sait que la seule création de Dieu est l'homme. Ce préalable aurait dû arrêter notre homme aux portes de l'imprimeur.

Avez-vous songé à ceci d'Ombreville, que si l'affaire que vous défendez était telle que vous la dites, l'ensemble des instruments de musique auraient dû se trouver dans le jardin d'Eden, aux côtés d'Adam, en tant que création divine ? Que je sache, à moins d'avoir mal lu, les Saintes Ecritures, ne mentionnent pas ce fait. Mettre cela sur le compte d'un oubli c'est faire offense aux Saintes Ecritures, en d'autres temps cela vous eut valu le bûcher.

 

L'âme d'un instrument de musique cher d'Ombreville, ne vaut que par celui qui en joue. Mettez un niais à un clavecin vous n'y trouverez que du bruit, des sons sans suite que d'aucune façon vous ne sauriez nommer musique. Il faut à l'instrument la délicatesse du musicien, sa lecture de l’œuvre, sa puissance, son corps, son harmonie, en un mot il faut à la musique l'âme d'un homme.

D'ombreville est bien né mais la naissance ne fait pas le savant ; il conviendra tantôt de nous signifier qu'elle n'est pour rien aux qualités de l'esprit.

 

En conséquence à cette affaire, je propose que le sieur d'Ombreville soit démis de sa qualité de correspondant de l'Académie et qu'il lui soit désormais interdit de faire figurer le nom d'icelle sur les ouvrages qu'il publierait à l'avenir.

Si l'Académie ne me suivait pas dans cette proposition je m'en retirerais de mon propre chef, lui laissant responsabilité de donner crédit aux pires sottises de ses membres.

 

 

 

  2013 0202

 

 

 


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19 avril 2013 5 19 /04 /avril /2013 22:57

 

LISTE DES OBJETS CONTENUS DANS LE SAC À MAIN DE PAULINE SAUDANTE, BIBLIOTHÉCAIRE ADJOINTE À LA BIBLIOTHÈQUE DE GENÈVE (CONFÉDÉRATION HELVÉTIQUE)

 

 

Dans la grande poche centrale

 

— Un trousseau de clés auquel sont accrochées dix-sept clés, cinq pour son domicile, une pour sa voiture, neuf pour la bibliothèque, deux pour le studio loué par son amant, Pierre Rapin le directeur du service des prêts de la bibliothèque.

— A ce trousseau est également accrochée la première paire de chaussures avec laquelle son fils Peter a commencé à marcher.

— Un poudrier, un tube de rouge à lèvres griffé d'un grand couturier parisien, rouge foncé, un autre tube de rouge à lèvres garance (mais qui ne lui va pas, trop vif pour son teint clair), une lime à ongles, une brosse à cheveux.

— Une barrette à cheveux en bois laqué achetée en Corée le 12 juin 2006 lors d'un voyage avec son mari, représentant un dragon – ce sont les dents du dragon qui enserrent les cheveux pour les maintenir.

— Le manuscrit d'un article demandé à Pierre Rapin par le Bulletin des bibliothèques de Suisse Romande intitulé : La dérive corporatiste des bibliothécaires de jeunesse suisses : une fermeture au monde (pour correction orthographique, 15 pages au format A4)

— Un portefeuille de cuir rouge contenant une photographie de ses deux enfants, vingt-et-une cartes diverses, dont deux cartes de crédit et une carte d'abonnement à la cantine des enfants.

— Le livre Oser la confiance en soi de la neuropsychologue Béatrix Neunundsechzig 

— Un lecteur mp3 contenant trois chansons que Pauline écoute en boucle, le plus souvent lorsqu'elle est en voiture : Felicita interprétée par Al Bano et Romina Power, Besoin de rien envie de toi, interprétée par Peter et Sloane, Libertine, interprétée par Mylène Farmer.

— Une paire de lunettes de soleil.

— Quatre briquets jetables.

— Deux paquets de mouchoirs jetables.

— Une carte postale, la première envoyée par son plus jeune fils lors de son premier séjour hors du domicile, et portant le dessin d'une maison partagée en deux en son milieu par un arbre tombé sous les coups d'un orage.

 

 

Dans la poche latérale droite :

 

— Un téléphone portable

— Un paquet de cigarettes anglaises.

— Une carte des transports intercommunaux.

— Une plaquette de pilules contraceptives.

 

Dans la poche latérale gauche (fermée par un mini cadenas à code)

 

— Une photographie de Pierre.

— Une photographie des parents de Pauline, disparus dans un accident de voiture sept ans auparavant.

— Son arrêté de titularisation au grade d'adjoint-bibliothécaire, daté du 2 juin 2000, et contresigné par Pierre Rapin.

— Une bague offerte par Pierre et que, par la force des choses, elle ne peut pas porter.

— Un foulard dans lequel elle a un jour caressé son amant et qu'elle n'a jamais lavé.

— La première lettre manuscrite écrite par Pierre, découverte à l'intérieur du sous-main de son bureau, quatorze ans auparavant, le 4 mars 1999 exactement, elle en avait pleuré d'émotion, rédigée tel que ci-dessous :

 

 

Chère Pauline,

Voilà douze ans que je travaille à vos côtés et douze ans que quotidiennement je souffre de ne pouvoir exprimer ce que je ressens pour vous. L'émotion m'étreint à la seule écriture de ce mot car le risque est grand que vous ne m'adressiez plus la parole et qu'il en soit fini de notre complicité, j'allais dire de notre intimité, au travail. Mais voilà, je suis arrivé à un point où je ne peux plus porter cette charge en silence. Car je ne cesse de penser à vous et à votre corps en mouvement sous vos robes austères. Oui Pauline, je suis certain que ce corps ne demande qu'à être délivré des entraves des conventions et à chevaucher librement dans les plaines du plaisir.

Laissez-moi donc en être le libérateur.

Avec votre permission, chère Pauline, je vous embrasse.

Pierre

 

[Bien entendu la réponse de Pauline ne se trouve pas dans le sac à main mais elle s'en souvient parfaitement, même après toutes ces années, il faut dire que, transmise par le même entregent du sous-main sur le bureau de Pierre, sa réponse se réduisait à une simple mot de trois lettres : oui.]

 

 

 

 

 

  magasin + ptit

 

 

 


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10 avril 2013 3 10 /04 /avril /2013 15:51

 

MACHINES RESTÉES AU STADE DE PROTOTYPE (VI)

 

 

MACHINE À FABRIQUER DU TEXTE ALÉATOIRE, SIGISMOND CRÊPÉ, 1972.

 

 

Sigismond Crêpé, était ce que l'on pourrait aujourd'hui nommer un fou littéraire. Sa première ambition dans la vie, dès l'âge de douze ans était de créer un texte total, un peu à la manière de la Bibliothèque de Babel de Jorge-Luis Borges, qu'il n'avait pas encore lu et qui, lorsqu'il en fit la découverte, le plongea dans une longue dépression à l'idée qu'un autre avait eu « son » idée avant lui. Son idée, son idée magnifique de constituer la bibliothèque totale à partir de toutes les combinaisons possibles des lettres de l'alphabet. Borges, même s'il ne l'avait pas réalisée, en avait tout de même émis le concept. A partir de là, toute tentative de concrétisation ne serait qu'un dérivé de l'idée originale d'un autre, et cela, il ne pouvait s'y résoudre.

Il chercha donc autre chose.

C'est en se couchant ivre sur sa table basse que son idée lui vint. Et celle-là, il était prêt à parier que personne ne la lui avait chipée avant.

Marcel Proust arriva plus tard, au moment de la mise en fabrication, il s'imposa de lui-même, nul autre texte en dehors de la bible ne pouvait rivaliser avec le caractère absolu de la Recherche du temps perdu.

Mais la bible, bon.

L'idée lumineuse de Sigismond, ce soir-là, lui fit atteindre des sommets d'exaltation, il s'endormit sur des rêves de gloire en se demandant toutefois si la femelle rhinocéros subissait des lésions lorsque l'énorme masse du mâle la recouvrait pour le coït, ce qui n'avait rien à voir avec son projet, mais c'est ainsi que sont faits les hommes, ils ne contrôlent pas toujours l'enchaînement de leurs idées, surtout dans une situation proche du coma éthylique.

 

La machine elle-même, si l'on peut appeler cela une machine, était fort simple. Il s'agissait de coller côte à côte des plaques de polystyrène jusqu'à couvrir environ les deux tiers de la surface du salon après que tous les meubles en eussent été ôtés et entassés dans la buanderie à la va-comme-je-te-pousse. Il s'agissait ensuite de coller sur le polystyrène autant de pages de La Recherche du temps perdu qu'il pouvait en accueillir. Sigismond sacrifia son édition Pléiade de laquelle il arracha délicatement les quatre cents premières pages pour mener à bien son expérience.

Il s'agissait enfin de lancer haut une bille de plomb afin qu'elle s'imprimât légèrement en creux dans le papier et le polystyrène au moment de sa retombée, et révélât ainsi le mot par elle élu, de recommencer l'opération jusqu'à constituer une phrase, un paragraphe, un chapitre.

Et recréer un roman à partir du roman.

Le roman du hasard.

 

Voici les premiers essais qui s'ensuivirent. Il est à noter que, pour l'équilibre de la phrase et la lisibilité du texte, Sigismond a rajouté les mots de liaison, quelques adverbes, et qu'il adapté le temps des verbes au contexte.

 

I

La métempsychose éteinte commençait le monde. J'avais quitté momentanément une allumette vacillante d'autrefois, le cœur battant. Flora m'a donné la force des heures coopératives passionnément scandinaves : les plaisirs inconnus nous assurent une essence au café. Un enfant sur le viaduc sonne ses larmes car ma tante ne laisse son eau de Vichy ni la componction d'opale. Léonie et les anges tenaient ma conscience tandis que j'allais pouvoir me soulager au porche. Ineffable dessin dont la qualité distinguée et voluptueuse trouvait le passage du piéton. L'argent qu'elle avait du fond du landau était morbide. Celle de Nice admettait Boticelli sur les dalles rouges, modèle d'immobilité les autres jours. Le corail commençait à Launes, et Mme de Saint-Euverte ralentissait vis à vis de sa coiffure. Avouez avoir aimé.

 

II

Les étuis brûlent les rites maintenant, et la grande montre qui vient de la vertu, en soie, serre et éprouve aussitôt la première tempête. Nourris d'anémones, les organes vont pouvoir faire corps avec le même souffle alimentaire – pas besoin d'invitation. Swann se souvient du hasard de l'engourdissement, et même, c'est chic, d'un commencement d'intimité avec Phèdre. Il entend l'hésitation et la supplique des parties impénétrables. Un modèle de concierge pestilentiel assis comme un notaire trouve une princesse au salon.

 

III

Le soleil est une valeur intellectuelle mouillée.

 

IV

Probablement Vinteuil accompagnait la société gaspillée dans tel petit trou avec Odette pendant que lui, emballé par l'emploi de sa colère, reconstituait le monde, indifférent aux suggestions douloureuses des sonnettes. La figure de Legrandin s'écriait à deux mains l'illusion des orchidées zébrées , invention de couleur grossière et timide, et ressentait la porte guérie. Un portrait de l'éducation informe, richement brodé, ressemblant aux pommettes de tels visages, répétait la joie de se pencher sur une phrase mauvaise. L'attelage du domaine intérieur mortel soupçonnait le plaisir complet d'avoir reconnu une main si tendre et vraie. Ma grand-mère, qui venait des femmes, contractait sa boutonnière davantage qu'elle ne l'aurait souhaité.

 

 

Tous les week-ends, pendant quinze ans, Sigismond travailla à son roman, usant, déchirant et rachetant des éditions successives de La recherche par cartons entiers. Il parvenait à la fin du premier tome, quatre-cent dix pages donc, et mille chapitres, lorsque arrivèrent sur le marché les premiers logiciels à génération automatique de texte. Sigismond eut beau clamer l'originalité et l'antériorité de sa démarche, personne ne le crut. Il fut même gaussé sur la place publique de Paris par un éditeur qui le prit en exemple des inepties reçues par sa maison et par paquets de cent chaque jour.

Il s'enferma dans la névrose et périt brûlé dans l'incendie de son appartement après qu'il eût essayé de remplacer la bille du hasard par des allumettes enflammées.

 

 

 

mur rouge

 

 

 

 

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21 novembre 2012 3 21 /11 /novembre /2012 20:53

 

 

MACHINES RESTÉES AU STADE DE PROTOTYPE (V)

 

MACHINE À CAPTURER LES OMBRES, RODOLPHE DE BROGNY, 1629

 

Ce 15 avril 1629, il advint qu'un habitant de la bonne ville de Toulouse, pensant trouver le salut hors de ses murs, parvienne à s'en échapper pour couper à la grande peste qui la ravageait. Il dirigea nuitamment ses pas vers le village de Belbéraud, à quelques lieues à peine, ignorant du fait qu'il transportait avec lui le fléau dévastateur ; il y mourut quelques jours plus tard, emportant à sa suite près des deux tiers de la population du lieu. Dès l'émergence de la maladie, la nouvelle s'était répandue à grande vitesse mais bien entendu, il était trop tard. On eut beau massacrer et brûler le corps de l'étranger, on eut beau le vouer aux gémonies, jeter sur son bûcher toute sorte de plantes et d'objets protecteurs, rien ne put entraver la propagation de la maladie.

Le 28 avril du même mois, Rodolphe de Brogny, un simple d'esprit d'une vingtaine d'années, fils du capitaine de justice Jean de Brogny, figure importante de la notabilité locale, se présenta à la porte de l'église et demanda à être entendu en confession. Le curé le reçut mais lui signifia, après maints détours et onctuosités de langage, que, hum, les gens « de son espèce » étaient des êtres purs, protégés de Dieu, ignorants du pêché et de la souillure du monde. Par voie de conséquence, il ne pouvait le recevoir en confession, ce serait aller contre la volonté de Dieu. Le jeune homme se mit alors à hurler et à jeter sur le curé tout ce qui lui tombait sous la main, des cierges, une bible, un encensoir, une clochette, et des cailloux qu'il tenait serrés dans ses poches. Lequel curé, ne voulant heurter ni la sensibilité du fils ni la susceptibilité du père, finit par renoncer à ses préceptes et à recevoir Rodolphe en confession. Ce qu'il entendit ce jour-là ne fit que le conforter dans l'idée que le jeune homme était encore plus fou que ce qu'il imaginait.

 

D'après Rodolphe, le siège de l'âme des hommes ne se situait pas dans la tête, comme le disaient les hommes d'église, mais dans leur ombre.

 

C'est simple curé, tout le monde a une âme et tout le monde a une ombre, donc l'âme est dans l'ombre.

― Mais mon cher enfant, les animaux aussi ont une ombre, les objets également, tout ce que tu m'as jeté dessus tout à l'heure, si on le met au soleil, aura une ombre, et les montagnes, les arbres, aussi, non, ton raisonnement ne tient pas.

― C'est toi qui tiens pas, curé, moi je sais que les montagnes, les arbres, et les chiens ont une âme.

 

Compte tenu de son état mental, le curé ne retint aucune charge contre Rodolphe, ne lui ordonna aucun Pater à réciter avant la nuit.

Le jeune homme ensuite, confronté à la mort au quotidien se donna comme mission de sauver les âmes des pestiférés encore en vie. Pour les morts il était trop tard, il ne pouvait plus rien faire, mais pour les autres, il était encore temps, il ne lui manquait que la machine. Il en dessina lui-même les plans, et les apporta fièrement au forgeron du village. L'homme regarda la feuille, regarda Rodolphe, regarda la feuille et demanda :

 

― Qu'est-ce que tu veux exactement, petit ?

― Je suis pas petit, et c'est un carré en fer de neuf pieds sur trois. Au milieu c'est vide. Y'a pas de fer au milieu. Les bords doivent faire un pied de haut et couper pour rentrer dans la terre, c'est pour enfoncer dans la terre, c'est ma machine, tu vois, c'est pour ma machine.

― Et elle sert à quoi cette machine ?

― A te sauver la mort.

 

Quand la machine fut prête, il fit labourer de frais un champ de son père et y rassembla les pestiférés, du moins ceux qui pouvaient marcher.

Chaque individu devait se tenir debout une heure sous le soleil. Pas le soleil de midi, l'ombre aurait été trop frêle, non, il fallait du soleil de milieu d'après-midi, celui qui vous étire les ombres sur neuf pieds. On disposait ensuite la machine autour de l'ombre et les hommes les plus lourds dépêchés depuis la propriété du père, montaient sur les bords de la machine et pesaient de tout leur poids pour qu'elle pénètre la terre.

C'est ça, c'est ça, criait Rodolphe en sautant autour de sa machine, faut une heure, une heure, une heure de soleil, faut que l'ombre rentre dans la terre, faut une heure, une heure, etc.

Ensuite, lorsque l'ombre avait suffisamment pénétré la terre, il suffisait de prélever la terre et de la placer dans un grand sac. Ce sac, Rodolphe allait ensuite le déposer dans l'église contre les murs des chapelles, le plus près possible des statues des saints. Dès que le jeune homme entra avec son premier sac, le curé sentit immédiatement que l'affaire allait être compliquée.

 

― Mais enfin, Rodolphe, tu ne peux pas faire entrer de la terre dans mon église.

― C'est pas de la terre, curé, c'est l'âme d'un mort.

― Oui mais c'est une église, tu comptes en amener combien, de sacs comme ça ?

― Autant qu'il faudra, tu peux pas t'opposer à recevoir l'âme des morts chez toi.

― C'est la maison de Dieu, ici, c'est pas chez moi.

― C'est pareil, je t'en amène un autre avant la nuit, la Justine avait pas l'air bien fraîche ce tantôt, heureusement elle a tenu son heure debout.

 

Bref, la peste aidant, l'église fut rapidement envahie d'une centaine de sacs, les derniers arrivés se trouvant fatalement plus éloignés des saintes protections.

La peste dura trois ans.

De l'église il ne restait plus au bout de ces trois ans comme surface utilisable qu'une allée centrale, cependant largement suffisante à contenir les survivants. Les bancs avaient été retirés, l'autel lui-même était à demi enseveli sous les sacs, il n'y avait plus là que terre en sacs, à perte de vue, pourrait-on dire. Personne n'y trouvait à redire, chacun venait là se sachant entouré des âmes de ses proches. Le curé avait renoncé à combattre, il voyait dans cette pratique, une superstition qui tôt ou tard ramènerait les fidèles dans le dogme – jamais il n'informa l'évêché de ce qui se passait dans sa paroisse.

 

Rodolphe échappa à la peste mais mourut six mois plus tard, le cœur percé d'un coup d'arquebuse tandis qu'il courait dans la forêt en imitant le cri du sanglier.

 

De la machine à capturer les ombres, Jean de Brogny en fit le tour de tombe de son fils.

 

       

chaise2

 

 

 

 

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4 juillet 2012 3 04 /07 /juillet /2012 21:02

 

 

MACHINES RESTÉES AU STADE DE PROTOTYPE (IV)

 

MACHINE À MESURER LA VITESSE DES NUAGES

 

Imaginé par Alcide Lesptropier (1779-1853), cet instrument tenait en réalité plus du concept que de la machine.

L'infrastructure consistait en deux simples tours de bois sur chacune desquelles se tenait un observateur couché sur le dos. Les tours devaient être suffisamment hautes pour qu'aucune image du monde autre que les nuages ne vienne interférer dans le champ visuel du guetteur, son seul point de repère devant être son nez. Pour une mesure précise, une distance de deux-cent cinquante toises devait être respectée entre les deux tours. Lorsqu'un nuage se présentait à l'exacte verticale du nez du premier guetteur de nuages, il lançait un cri et le second enclenchait aussitôt un comptage à haute voix. Le comptage prenait fin avec le passage du nuage à l'exacte verticale du nez du second guetteur. Ensuite un simple rapport permettait de mesurer la vitesse du nuage, comptabilisée en lieues/heure ou en toises/minute – si toutefois le nuage avait bien voulu suivre sa course initiale ou ne s'était désagrégé en route.

 

Pour éviter toute confusion, même si les tours étaient alignées dans le sens du vent, le premier guetteur, après son cri, lançait également une description sommaire du nuage repéré. Alcide avait créé pour ce faire une typologie des nuages intégrant toutes les formes et variétés possibles, et décrite comme suit :

 

  • Galet de rivière effiloché sur les bords ;

  • Tête de chat en colère ;

  • Revers d'une pièce de cinq francs en formation ;

  • Ulysse attaché au mat de son bateau pour échapper aux sirènes ;

  • Carte de l'Empire ;

  • Montesquieu écrivant les Lettres Persanes ;

  • La Seine en grande crue ;

  • Perruque poudrée ;

  • Paysage peint par Fragonard ;

  • Construction du pont d'Arcolles ;

  • Ville inconnue au crépuscule ;

  • Vendanges en pays d'Aix ;

  • Une passante anonyme dans la rue de Rivoli ;

  • La bataille de Valmy ;

  • Le maître charpentier et son apprenti à l’œuvre sur la cathédrale de Chartres ;

  • Visite des ambassadeurs de la Sublime Porte à Venise, à l'automne 1564 ;

  • Héraclès bandant son arc ;

  • L'atelier du bottier Freuquin, rue des étuves à Montpellier ;

  • Goutte d'eau tombant de haut dans une flaque ;

  • Nombreuses gouttes d'eau tombant de haut dans une flaque ;

  • Goutte de lait tombant de haut dans un verre ;

  • Flaque d'eau sous la pluie ;

  • Pluie sur le fleuve ;

  • Distillation du parfum à Grasse ;

  • Cuisson de l'agneau pascal à la cheminée ;

Bien entendu, l'expérience ne pouvait s'appliquer sur un ciel uniformément couvert, pour mesurer la vitesse des nuages, il fallait bien que ces derniers se déplaçassent. De même un ciel filamenteux et statique ne convenait pas, la mesure ne se concevait qu'à partir de nuages isolés et guillerets courant dans le vent.

 

Pétri d'humanités, de soif de découvertes scientifiques, et d'envie de faire progresser le bien-être des habitants du monde, Alcide Lestropier était persuadé avoir découvert là un appareil révolutionnaire. Il fut reçu à l'Académie des sciences par le sous-secrétaire de la section de géographie, lequel parut fort intéressé et promit de faire un rapport qui permettrait à Alcide de lancer sa découverte à la face du monde scientifique. Alcide attendit mais le rapport ne vint pas. Il pensa davantage à des obstacles relevant de la jalousie ou de jeux de pouvoir qu'à l'indifférence de la communauté de ses pairs, comme il les appelait maintenant. Il revint donc à la charge quelques mois plus tard et dut essuyer cette fois la pire déconvenue de sa vie lorsque, entre deux portes, l'adjoint du sous-secrétaire le pria de ne plus harceler l'Académie avec cette absurde machine qui ne servait à rien – les plans qu'il avait envoyés avait fait éclater de rire une assemblée habituellement peu encline à ce genre d'expression.


Le choc fut terrible. Rentré chez lui Alcide Lestropier se cloîtra entre ses murs et dans le silence plusieurs semaines durant. Après une longue réflexion, il dut cependant admettre que l'adjoint du sous-secrétaire de la section de géographie avait raison : sa machine ne servait à rien et ne servirait jamais à rien ; jamais elle ne contribuerait à la marche générale de l'humanité vers le progrès. Il en conçut une amertume cette fois tournée vers lui-même, sa petite personne à la si grande ambition, et il en arriva à la conclusion que la science était la dernière de ses motivations.

Cela le fit sourire, puis il n'y pensa plus, puis il se lança dans le commerce du coton.

 

 

 

  avion

 

 

 

 

 

 


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24 août 2011 3 24 /08 /août /2011 20:33

 

MACHINES RESTÉES AU STADE DE PROTOTYPE (III)

 

MACHINE À LACER LES CHAUSSURES, GEORGIA ONMYMIND, XXe SIÈCLE

 

- Musée de la chaussure, Heber Springs, Arkansas, Etats-Unis.

 

L' Américaine Georgia Onmymind travailla la moitié de sa vie à la mise au point de cette machine considérée par elle comme un robot devant apporter le bien-être au genre humain. Georgia Onmymind souffrait en effet d'une déformation de la colonne vertébrale lui interdisant de se pencher en avant, et donc, par voie de conséquence, de nouer les lacets de ses chaussures. Lorsque, vers la fin des années cinquante du vingtième siècle sa machine fut enfin prête, elle convoqua la presse pour la présenter aux yeux du monde. Certes, la machine occupait encore vingt-trois mètres cubes de volume, mais ce n'était là qu'un détail qui se réglerait rapidement, une « simple question de miniaturisation », comme elle disait elle-même. Georgia Onmymind ne dévoila rien du mécanisme complexe de la machine, le laissa dissimulé derrière des pans de tissus, elle ne souhaitait pas que quelque industriel put la copier avant qu'elle ne détienne les brevets nécessaires à sa commercialisation ; les journalistes et le cameraman présents ne purent donc voir qu'une petite boîte posée sur le sol, sorte de pédiluve sans eau, dans laquelle il convenait de placer à l'intérieur d'une forme de fonte son pied gauche pour nouer le lacet de la chaussure gauche, puis son pied droit pour nouer le lacet de sa chaussure droite.

On ne sut ce qui se produisit exactement mais lorsque Georgia Onmymind plaça son pied gauche dans la machine, il y eut un bruit mat et la forme de fonte se referma sur la chaussure de notre héroïne, lui broyant le pied dans d'horribles craquements jusqu'à ce qu'un journaliste eut la présence d'esprit de couper l'arrivée d'électricité de la machine. Les premières paroles de Georgia, à son réveil sur son lit d'hôpital, furent : « simple question de réglage, faut que j'y retourne ».

Mais de fait, quelques mois plus tard, découragée par l'arrivée sur le marché des chaussures fermées par du Velcro®, elle renonça définitivement à son grand œuvre.

 

 

tuyaux noirs

 

 

 


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15 août 2011 1 15 /08 /août /2011 14:09

 

OBJET INCONNU / JEAN-LUC VIZNER, LAUSANNE (CONFÉDÉRATION SUISSE) LUNDI 8 AOUT 2001, 11h30

 

Je sais que c’est affreux, c’est même hideux, et même plus que hideux, je n’ai jamais rien vu d’aussi laid fabriqué de la main de l’homme, je n’ai pas de mots, à ce niveau il n’y a plus de mots, mais ce sont les dernières volontés d’un mort, et que veux-tu faire contre les dernières volontés d’un mort, déjà de son vivant il me disait toujours, ne vous inquiétez pas ça finira chez vous, parce que forcément, quand j’étais chez lui je passais beaucoup de temps devant ce… devant cette chose, mais ce qu’il a toujours pris pour de l’admiration n’était pour moi que l’expression d’un effet de surprise, chaque fois renouvelé, face à l'insondable profondeur de la laideur. Ne vous inquiétez pas ça finira chez vous, et moi je me disais pourvu que je meure avant lui mais non tu vois, je ne suis pas mort avant lui et le truc est là, c’est arrivé ce matin, par transporteur.

 

 

♦♦♦

 


 

 

 

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2 juin 2011 4 02 /06 /juin /2011 00:01

 

MACHINES RESTĖES AU STADE DE PROTOTYPE (II)

 

MACHINE À TESTER LA SINCÉRITÉ DES CONVERSIONS AU CHRISTIANISME, INVENTEUR INCONNU, XIIIe SIECLE

  

Museo della Santa Inquisizione, Castelgandolfo, Italie.

 

  

Il convenait de placer le néo-converti au sommet d'une falaise ou d'un bâtiment de quinze mètres au moins – l'idéal étant de le placer au sommet de la plus haute tour de la cathédrale ou de l'église du lieu, mais la chose était compliquée compte tenu du volume de la machine et de l'étroitesse des escaliers des cathédrales. Le mécanisme de la machine (et sa seule finalité aussi) consistait à déployer un bras amovible de bois qui assénait un grand coup dans le dos de l'impétrant et le propulsait dans le vide.

 

Si le néo-chrétien arrivait en bas vivant c'est que Dieu avait accepté sa conversion, dans le cas contraire, il était condamné à errer éternellement dans les limbes de l'éther sous forme d'ectoplasme de souffrance.

 

Bien entendu, l'Inquisition ne manquait pas de bourreaux, et l'un d'eux aurait pu pousser directement l'individu dans le vide, mais pour que la main de Dieu puisse se manifester on estimait qu'il ne fallait pas d'entregent au cours de l'expérience ; ce n'est donc pas pour cette raison que l'usage de la machine fut abandonné.

 

Apparemment, Dieu avait besoin de plus qu'un simple baptême ou une croix sur un parchemin pour se laisser convaincre, car la meilleure bonne foi, la meilleure force de conviction, les meilleures preuves d'allégeance à sa nouvelle religion avaient sur l'impétrant – fut-il capable de réciter par cœur l'Ancien Testament – les mêmes résultats : un plongeon dans le vide et quelques secondes plus tard, une bouillie sanguinolente sur le parvis de la cathédrale.

 

Officiellement la science des statistiques n'existait pas encore, mais l'Inquisition eut tôt fait de considérer que, les voies du Seigneur étant impénétrables, on ne pouvait laisser se propager l'idée qu'aucune conversion n'était sincère. C'est ainsi que fut finalement abandonné l'usage de cette machine qui a fort peu œuvré, il faut le dire, au bonheur du genre humain. 

 

 

 

 

 

 pelle verte

 

 

 

 

 

 

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3 avril 2011 7 03 /04 /avril /2011 15:05

 

 

TESTAMENT DE JEAN-MARC LEMORBIHAN (CINQ-CLOUS, FRANCE)

 

Moi, Jean-Marc Lemorbihan, né le 30 février 1927, 83 ans, sain de corps et d'esprit, déclare par le présent document régler ma succession à l'heure de ma mort ainsi que détaillé ci-dessous, car en vérité je vous le dis ceci est mon nouveau testament rendant caduc les deux précédents.

 

A mon fils aîné Martial Lemorbihan :

 

- Pour avoir dans son enfance toujours douté de moi, son père ;

- Pour avoir sans cesse remis en cause les codes de l'honneur et de la famille tels que définis par notre civilisation chrétienne et par moi ;

- Pour avoir ensuite par vengeance, au début des années quatre-vingt, aidé à porter au pouvoir un président de la république de gauche en fréquentant des groupes politiques douteux ;

- Pour n'avoir pas obéi à mon injonction de ne pas épouser une vietnamienne extrêmement asiatique à l'âge de ses 28 ans,

- Pour avoir, après avoir forniqué avec ladite asiatique engendré un être humain (?) hybride de couleur non identifiable au premier regard ;

- Pour avoir toujours refusé de prendre ma succession à la tête du Front de la francisque, l'entreprise politique que je dirige depuis 42 ans ;

- Pour avoir été surpris en flagrant délit en train de voler la précédente mouture du présent testament chez maître Tiresolde, mon notaire, afin de me gruger en rédigeant un faux, et avoir de ce fait écopé de trois mois de prison avec sursis ;

 

pour toutes ces raisons, je lègue à mon fils Martial Lemorbihan le soin de régler mes dettes de jeu contractées auprès d'une société secrète représentée ici par le dénommé Marcelino Dallacosta, chargé de recouvrer lesdites dettes en lieu et place de cette société (348 700 euros plus une automobile de marque Maseratti, année 2008, 24000 km ou sa valeur fiduciaire, soit 108 748,14 euros à ce jour).

Mon fils doit ici être informé que la mort violente – par noyade, pendaison où arme à feu – est la sanction appliquée par ladite société secrète en cas de non paiement, et que ceci n'a par ailleurs rien à voir avec la justice ou la police de notre pays, ce sont des affaires d'hommes qui se règlent entre hommes.

 

A ma fille France Lemorbihan (aujourd'hui France Dupuis) :

 

- Pour avoir suivi des études de sociologie dans une faculté de Lettres ;

- Pour être ensuite devenue psychologue pour enfants alors que les enfants n'ont rien à faire de ces salamalecs ;

- Pour avoir suivi une voie professionnelle contraire aux intérêts familiaux et à mes intérêts politiques ;

- Pour avoir, contrairement aux préceptes de notre religion et de nos valeurs, divorcé à grand tapage médiatique ;

 

Je lègue :

- Ma collection d'armes blanches (commencée à l'âge de 14 ans, 256 pièces aujourd'hui) ;

- La tondeuse à gazon (encore sous garantie) ;

- Le four micro-ondes ;

- Mon insigne de la Croix de Lorraine, (remise par le Grand Traître lui-même) ;

- La maison de campagne que je viens d'acquérir sur le Mont Caroux.

(Je joins le devis de l'entreprise Raval'Caroux pour la remise en état de la maison et de la toiture (235 000 euros))

 

 

A ma deuxième fille maximilienne lemorbihan (aujourd'hui Maxine Courzyve)

 

 

- Pour avoir dénoncé à deux reprises dans des torchons imprimés les revenus occultes du Front de la francisque avec une profusion de détails qui hélas ne pouvait laisser planer le doute ;

- Pour avoir appliqué au fonctionnement du Front de la francisque l'accusation de « dérive sectaire » ;

- Pour avoir formulé publiquement l'idée que moi, Jean-Marc Lemorbihan, guide unique et aimé du Front de la francisque remodelait l'histoire à ma convenance et spoliait les adhérents du Front de leurs biens par, je cite, « endoctrinement cérébral » – alors que je n'ai fait qu'accepter des dons spontanés ;

 

 

pour toutes ces raisons, je ne lègue rien à ma dernière fille, mais je propose que soit rendue publique la vidéo qu'elle a tourné dans un hôtel avec le meilleur ami de son mari. A cette fin le fichier a été envoyé à tous les organes de presse du pays et sera diffusé par ceux qui le voudront bien après ouverture du présent testament.

 

A mon épouse, Anne-Marie Lemorbihan (née Maistre)

 

qui hélas n'est pas de mon sang - la qualité de simple épouse ne suffisant pas à mon sens à hériter des biens devant en principe revenir à ma famille. Toutefois, pour lui éviter l'humiliation d'avoir à travailler, et bien qu'elle eut soutenu et souvent approuvé sa vie durant les errements, tapages, et folies de nos enfants communs, je la dote d'une rente à vie de 833 euros mensuels ainsi que de la possibilité de vivre jusqu'à sa fin dans le logement du concierge de notre propriété de Cinq-Clous.

Cette rente sera prélevée sur les revenus et intérêts du compte 7047033M de la Banque de Zurich.

 

 

A Alexiane Roquelongue,

 

enfin, femme admirable recrutée au hasard dans la liste des membres du Front de la francisque :

 

- Pour n'avoir jamais, malgré notre évidente attirance réciproque, cherché à me séduire ;

- Pour n'avoir jamais comploté pour m'extorquer des fonds,

- Pour n'avoir jamais fricoté avec les rouges,

- Pour donner publiquement, inlassablement, avec une constance jamais infléchie, l'image de ce que doit être la femme dans ce qui devrait être un pays sain, droit, propre, et non métissé.

 

Je lègue l'ensemble de mes propriétés bâties et agricoles, de mes entreprises et de mes avoirs sur le territoire national.

 

A savoir :

- La maison familiale de Cinq-Clous, sise au 83, rue du Jardin sans fond – à l'exception du logement du concierge en bordure du parc dont mon épouse légitime conservera l'usufruit jusqu'à sa mort ;

- L'hôtel particulier sis au 12, rue des Impressions matinales dans le 16e arrondissement à Paris, dit « Hôtel de Gergovie» ;

- La villa d'Auteuil, sise au 48 avenue des Passeports périmés, ainsi que ses dépendances et maisons attenantes ;

- L'immeuble de rapport de 8 étages sis à Paris dans le 6e arrondissement, au numéro 7 de la rue du Poulet mal assis ;

- La maison de campagne familiale sise au 407, chemin Loin de Rueil, en bordure de la forêt de Fontainebleau, ainsi que ses dépendances, maisons attenantes et pavillon de chasse ;

- Les 4 hectares de vignobles sis sur la commune de Nuit Saint-Georges ;

- Les 12 hectares de vignobles sis sur la commune de Thézan les Corbières ;

- Le restaurant ci-après dénommé « Au quatre fumeurs de pipe », sis en la ville de Cinq-Clous, au 14 rue Proche des commerces lointains,

- L'intégralité des sommes portées au compte 7047033M de la Banque de Zurich (un peu plus de cinquante cinq millions de francs suisses aujourd'hui, à charge pour elle de conserver sur ce compte les dix mille euros annuels nécessaires à la pension de mon épouse légitime Anne-Marie Lemorbihan)

 

ainsi que :

 

- mon appartement à Monaco, sis au 2 Place de la Principauté ;

- mon yacht de 28 mètres, portant nom de baptême « Le Charles Martel », apponté en la rade de Monaco – à la condition expresse d'en conserver tel quel l'équipage, y compris le cuisinier africain sans-papiers ;

- mon portefeuille d'actions auprès de la compagnie d'assurance Axiome (quatre millions d'euros environ) ;

- mes actifs (6%) au sein la société de racket dite « Française d'Éjeu », société œuvrant dans la légalité au prélèvement d'impôts indirects ;

 

à charge pour Alexiane Roquelongue de faire fructifier l'ensemble pour le plus grand avantage du Front de la Francisque.

 

Le présent testament n'est pas contestable ; il a été rédigé en la bonne ville de Cinq-Clous, ce dimanche 13 juin 2010 à toutes fins utiles et pour valoir ce que de droit.

 

 


 

 

 

 

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