SALLE DES FÊTES DE ROSETTA (ITALIE), INAUGURATION APRÈS TRAVAUX, 1er OCTOBRE.
Du balcon, qui avance en demi-cercle au dessus de la salle, comme un plateau d’offrande d’où l’on s’attendrait à voir surgir une masse de chair, vulve gigantesque ou coquille saint Jacques, on n’a rien changé. Le balcon est toujours là, désormais inutile et encombrant, survivance du temps où le lieu était une salle de cinéma. Au parterre, passé le temps de la bouche ouverte sur les murs habillés de velours cramoisi et de la tête levée sur le nouveau plafond tendu, passé le discours officiel et le verre offert par la municipalité, la soirée peut démarrer. L’orchestre s’installe, la musique couvre le bruit des conversations, un cocon se crée dans lequel chacun se pelotonne ; les parfums se mêlent, les regards se font plus appuyés, les corps s’enlacent, des bouches pressées murmurent à des oreilles attentives des invitations sans équivoque, espoirs, espoirs déçus, et dans les coins sombres, à l’extérieur, baisers volés, caresses furtives, jupes relevées, vêtements maculés, tout cela bien entendu en attendant mieux. Bien entendu en attendant mieux. Le saxo se fait lointain comme un souvenir d’enfance, on fume une cigarette, on sourit pour soi, on rentre, les tentures cramoisies virevoltent mais ce n’est pas sous l’effet de la danse.
Maintenant, d’ici, il faut faire trente-cinq kilomètres pour trouver un cinéma.