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14 octobre 2012 7 14 /10 /octobre /2012 11:21

 

 

UN MOIS DANS LA VIE DE PATRICE ALBERIGO – NATURE DE SES CHOIX ET DE SES AVENTURES. JUIN 2006, SAINT QUENTIN EN YVELINES, FRANCE.

 

 

3 JUIN - 23h45

Au bout de sa journée du trois juin, Patrice Alberigo est seul devant la télé. Sa famille est couchée, il profite du moment, tranquille, assis dans son canapé comme un ballon de baudruche dégonflé.

Il pense. Regarde à peine la télé. Il pense à sa vie de merde. A ses choix qui n'en ont pas été. Aux obligations qui se sont accumulées sur lui, aux responsabilités. Des directions de vie ? Des carrefours ? Quelles directions de vie ? Toujours poussé de l'avant par des forces extérieures, des circonstances.

(Ce n'est pas tous les soirs que Patrice pense comme ça, mais ce soir oui.)

Ce sentiment va croissant dans son face à face avec les images, dépourvues de sens.

Des armes, des coups, des fausses situations, des rires enregistrés, des américains chez eux, des pompiers, des animaux qui se mangent, des armes, des coups, des pubs, des chansons bêtes, des baisers, des américains chez eux, des filles vulgaires, des coups, des pubs, des gens dans les rues, des armes, des policiers qui frappent, des gens qui parlent, des américains chez eux, des pubs, des gens qui fabriquent des arcs, des pubs, des gens qui expliquent la crise, des filles vulgaires, des coups, des gens qui se croient drôles, des armes, des inconnus qui racontent leur vie, du sexe, des pubs, des policiers qui enquêtent (américains), des armes, des coups, etc. Ad libitum.

Au milieu du déferlement, Patrice tombe soudain sur une scène qui le frappe de plein fouet : une manifestation de curés nus.

Une manif de curés nus dans les rues d'une ville qu'il ne peut sur le moment identifier.

Ils marchent tête baissée, d'un pas lent, empreints de gravité. La nudité ne semble pas leur poser de problème.

Sur le passage de la manifestation – ou faudrait-il dire procession ? –, trottoir de gauche, des jeunes filles en robe blanche lancent des fleurs sur les curés ; sur le trottoir de droite des vieillards vêtus de rouge leur jettent des clous à trois têtes sur lesquels, ensuite, leurs pieds se blessent, laissant à l'arrière de la colonne humaine de larges traînées pourpres.

La scène est quasi silencieuse et filmée en lumière rasante, caméra au sol, on n'entend que le bruit exacerbé, répercuté par un écho artificiel, des clous tombant sur la chaussée, – les façades sont blanches, cela doit se passer en Espagne, ou en Italie. Peut-être en Amérique du sud.

Que des curés manifestent est déjà étonnant en soi. Qu'ils manifestent nus dépasse l'entendement. Qu'ont donc ces gens à revendiquer ? Une présence divine plus prégnante ? Plus de pouvoir d'achat ? Ou bien exhibent-ils ainsi leurs sexes pour affirmer aux yeux du monde qu'ils en ont un ?

S'il en est parmi les hommes dont le choix de vie est délibéré, ce sont bien les curés, pense Patrice.

Alors qu'ils viennent pas la ramener.

Surtout qu'ils la ramènent pas, les curés.

Mais il s'agit d'un film de fiction, pas d'un documentaire, il n'y a aucun commentaire en voix off sur les images.

Ne pouvant situer la scène dans l'intégralité du film, notre homme s'en trouve déstabilisé.

D'autant que, sans que rien ne le laisse prévoir, se lance le générique de fin, amenant tout de même pour Patrice l'espoir d'un accès à la connaissance ; espoir aussitôt anéanti par le surgissement des annonces publicitaires.

 

4 JUIN

Patrice Alberigo estime que ses réflexions de la veille sur le sens de sa vie sont des états d'âme de privilégié. De petit bourgeois confit dans son jus de vie. Quelqu'un qui ne serait pas à son niveau de sécurité ne se poserait pas ce genre de question.

En conséquence, il envisage de démissionner de son emploi d'agent immobilier pour voir ce que ça fait.

Renonce.

 

5 JUIN

Ce 5 juin au matin, il ne se rend à l'agence que pour demander une journée de congé.

Part ensuite en quête d'une église, en trouve une, y entre, et demande à être entendu en confession. Il ne s'est jamais confessé de sa vie, trouve même absurde cette pratique, mais, se rassure-t-il en pénétrant dans l'obscur habitacle de bois, tout cela n'est qu'un prétexte. A peine assis, demande au curé si son sexe le gêne, s'il ne le porte pas comme un fardeau collé entre ses jambes, une injonction permanente à la tentation.

Réponse : vivre c'est aussi dominer ses pulsions ; vivre dans la foi aide à vaincre les pulsions.

Question : pourrait-il envisager de manifester nu à travers les rues ?

Pas de réponse.

 

 

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7 JUIN - 3h30

Se réveille sur un éclat de rire. « Vivre dans la foi aide à vaincre les pulsions ».

Calme vite son rire pour ne pas que les tressautements du matelas réveillent la femme qui partage sa vie.

Tente de se rendormir.

Echoue ; sa boîte crânienne résonne d'acouphènes dont la base sonore est constituée du bruit de clous tombant sur du bitume.

En profite pour s'apostropher, qu'est-ce que tu es allé foutre dans cette église ?

Toute foi déclarée est un mensonge à soi-même.

Et puis si j'ai pas envie de les vaincre, moi, mes pulsions ?

Oui mais t'es pas curé.

D'accord, mais personne ne les a obligés.

Justement. Ils sont des hommes, et à l'image de tous les hommes, ils se laissent guider par le bout du gland.

Et comme les femmes leur sont interdites, suivez mon regard.

Lui, la femme qui partage sa vie le lasse.

Regarde-la. Elle dort. Comme si c'était le moment de dormir.

Il sent bien, pourtant que quelque chose est en train de survenir. Moment rare dans une vie, où domine la certitude d'une transformation imminente.

Peut-être à tort mais elle domine.

Et l'autre, elle dort.

Aucune solidarité.

 

7 JUIN - 9h15

Le dossier du Clos des Champs bleus devient urgent. Il est là, ouvert sur le bureau et il ne se passe rien. Il suffirait de le prendre entre les mains, de le fermer, et de le porter à la mairie. Patrice Alberigo se voit accomplir ces gestes, s'observe aller à travers les rues de la ville, le dossier sous le bras, s'annoncer, s'asseoir dans un fauteuil de velours rouge face à un responsable du cadastre, et entamer avec lui la discussion. Il voit même, Patrice, ses lèvres bouger, sans qu'aucun son n'en sorte. Car dans la réalité il ne se passe rien, il reste là à regarder le dossier ouvert étalé sur le bureau, avec, dépassant de la pile de feuillets, la représentation en image de synthèse, d'une piscine. Il reste là à se voir faire ce qu'il n'est pas en train de faire.

Patrice réalise alors que sa pulsion du moment est une absence de pulsion.

 

8 JUIN

Ne fait rien tout en ne cessant de penser à la manif des curés.

 

9 JUIN

Rate la vente Jean-Michel Marceau.

 

10 JUIN

Ne fait rien tout en ne cessant de chercher un moyen de retrouver le film dans lequel se trouve la manif des curés.

 

12 JUIN - 11h

Rate la vente Heaven Stairwayto.

 

12 JUIN - 14h-16h

Est envoyé par le responsable d'agence faire visiter un château 19e estimé six millions d'euros (avec son parc et ses trois cents hectares de vignoble), à un couple d'allemands.

Accomplit mollement sa tache accompagné en cela par la propriétaire du lieu, madame de Cléry.

Lui demande à la fin de la visite, si elle a déjà vu un film dans lequel se déroule une manifestation de curés nus. Laquelle madame de Cléry – mais cela, notre Patrice ne pouvait pas le savoir –, catholique pratiquante chevronnée, manque s'étouffer, monte aussitôt sur ses grands chevaux, ce dont elle a l'habitude, et va sur le champ retirer le mandat à cette agence de mécréants.

 

14 JUIN

Téléphone à la Cinémathèque française, demande un spécialiste du cinéma. La standardiste est aimable mais lui répond qu'ici il n'y a que ça, des spécialistes du cinéma. Lui en passe un au hasard. Patrice prend le temps de bien décrire la scène, elle est de toute façon gravée dans sa mémoire. Après un long temps de réflexion, l'homme répond qu'il ne voit pas désolé, ça ressemble à un film surréaliste mais il ne voit pas. Il va se renseigner auprès de ses collègues et lui répondra. Patrice lui donne son adresse mail.

 

15 JUIN

Attente de la réponse.

 

16 JUIN – 10 h

Cher monsieur,

la Cinémathèque française abrite les plus fins connaisseurs du 7e art mais je suis au regret de vous dire qu'aucun d'entre nous n'a pu localiser la scène que vous m'avez décrite au téléphone.

Peut-être la solution serait-elle de repasser les programmes de télévision du jour où vous avez vu le film, vous les trouverez facilement sur Internet. Permettez-moi toutefois de douter du résultat de cette démarche car une scène de ce genre ne passe pas inaperçue dans un film, et si elle existait croyez que la réponse se trouverait dans ce courrier.

Avec mes regrets, je vous prie d'accepter, cher monsieur, mes cordiales salutations 

 

Olivier Dromat

 

16 JUIN – 10 h15

Comment ça « si elle existait » ?

Qu'est-ce que ça veut dire ? Je l'ai vue, cette scène, faut pas m'accuser sournoisement comme ça, Olivier.

 

16 JUIN – 11h 

 

— Patrice, je ne sais pas exactement ce que tu as dit à la vieille Cléry mais va falloir que tu t'expliques.

— Ils ont pas acheté les allemands ?  

— Et non, ils n'ont pas acheté.

— Et alors ? J'y peux rien moi.

— Ne fais pas l'idiot. Ça représente trois cent mille pour nous.  

— J'ai eu... j'ai eu un passage à vide.  

— Trente mille pour toi. Sacré passage à vide, dis-donc. Tu connais les règles non ?

— Bon... ça peut arriver non ?  

— Et Marceau ? C'était inratable. Et toi non, tu rates. Sans parler des Stairwayto, ils avaient déjà le chéquier à la main quand je leur ai fait visiter la première fois.  

— Mais qu'est-ce que tu as après moi, ça peut arriver, non, de rater une vente.  

— Ça peut de moins en moins arriver, Patrice, tu le sais. On est sur une corde raide. La prochaine fois tu dégages.  

— Je ne t'ai jamais vu aussi sérieux.  

— Alors regarde-moi bien.  

— Dis au fait, ça ne te dis rien une manif de curés nus, dans un film ?

 

16 JUIN - 14h-19h

Traque sur Internet.

Aucun résultat probant, l'adjectif « nu » n'est accolé au substantif « curé » que pour ce qui concerne les pieds.

Obscures histoires de pèlerinage et d'auto-flagellation.

Rien non plus dans les programmes télé du 3 juin, aucun film diffusé à cette heure-là.

 

16 JUIN – 21h30

Patrice s'ouvre de son problème à son épouse. Cette scène de film l'a déstabilisé sans qu'il sache pourquoi, c'est la première fois que ça lui arrive.

   

— Ils... ils étaient là tu vois dans une présence évidente, et puis c'était tout un symbole ces curés à poil...

— Comment sais-tu qu'il s'agissait de curés s'ils étaient nus ?

 

Patrice est cueilli à froid par la question. Plonge dans un abîme de réflexion, semble épuisé lorsqu'il en sort, écrasé par son ignorance.

   

— Je ne sais pas, c'était évident. Des curés.  

— C'est un peu mince comme réponse. Si tu envisageais la possibilité qu'ils ne soient pas des curés, est-ce que ça règlerait ton problème ? 

— Oui. 

— Pourquoi ? Pourquoi les curés en soi te posent-ils un problème. 

— Je ne sais pas. C'est comme ça. 

— Et si personne n'est capable de localiser cette scène, tu peux l'avoir rêvée. 

— Non. 

— Si. Tu as pu t'assoupir quelques instants sur le canapé et mélanger plusieurs séquences d'images en rêve.

 — Je ne m'assoupis jamais.

— Tu ne t'assoupissais jamais. Mais peu importe, essaie de penser qu'il ne s'agissait pas de curés.

 

 

 

Il savait bien, Patrice, qu'en parler à quelqu'un, fut-ce sa femme, ne règlerait rien. Comment quelqu'un d'autre, entendons un cerveau autre que le sien propre contenu dans sa boîte crânienne, comment un cerveau exogène pourrait-il comprendre ce que lui-même ne comprend pas, cette décomposition du réel à travers une scène de film.

 

 

 

voutes

 

 

17 JUIN

Abattement.

Ponctué à diverses heures de la journée par la restitution mentale de la scène du film. Patrice essaie de saisir des détails qu'il aurait pu négliger à la première réception des images.

Mais se dit-il à la vingtième rediffusion, si les détails m'ont échappé à la première réception des images je ne pourrai jamais les restituer mentalement.

Abattement.

 

18 JUIN - 14h

Glissement progressif de l'état d'abattement vers la dépression. Le Clos des champs bleus peut bien aller se faire métrer tout seul si ça lui chante, autant aller boire un café.

 

18 JUIN - 14h30

Rue de L'esprit gémissant en proie aux longs ennuis, Patrice entre dans un café. Commande un crème. A peine est-il assis que les autres clients, trois au total, se lèvent et se dirigent vers le barman avec des mines de conspirateurs. Le barman les fait passer derrière le comptoir. Tous disparaissent. La tasse de Patrice est suspendue dans l'espace quelque part entre ses lèvres et la table.

Il se lève lentement et se dirige à son tour vers le comptoir, accompagné par une image de lui démultipliée à l'infini dans des miroirs face à face. Se glisse derrière le comptoir. Il n'y a personne. Il l'aurait parié.

Mais tout de même trois personnes et un barman ne peuvent pas disparaître comme ça. Ce n'est pas un film, là, c'est la vie.

Aux moins trois cents kilos à eux quatre.

Trois cents kilos de matière.

Et puis pourquoi un barman laisse-t-il son bar vide de toute présence humaine ?

Une trappe dans le sol.

A quatre pattes sur le lino, centimètre par centimètre, Patrice entrouvre la trappe. Un escalier. Fallait s'y attendre. Il descend doucement en rabattant au dessus de sa tête la trappe de bois. En bas il n'y a rien. Une pièce vide, minuscule, avec seulement quatre chaises disposées au milieu, aucune fenêtre, aucune porte. Patrice reste là un long moment à interroger les chaises du regard.

Remonte, quitte le café, marche au hasard des rues, se ravise après dix minutes, revient vers le café, en observe l'intérieur depuis le trottoir. Les trois clients sont assis à leur table et derrière son bar, le barman recompte la caisse.

 

18 JUIN 16h

Au hasard de ses pas, rue de l'Horizon embrassant tout le cercle, Patrice s'engouffre dans un petit hôtel et loue une chambre « pour une durée indéterminée ».

S'allonge sur le lit, mains derrière la nuque, et pense.

Pense.

Patrice va ainsi passer cinq jours à penser, se nourrissant quasi exclusivement de cafés et de cigarettes.

 

19 AU 23 JUIN

Désarmé par cette négation du réel – ou peut-être dans un sursaut d'auto-défense –, Patrice laisse monter en lui la possibilité du rêve.

 

24 JUIN - 11h

La police retrouve Patrice dans son hôtel après qu'un avis de recherche national eût été émis.

Que chacun se rassure, il va bien, à peu près bien.

Il veut juste rentrer chez lui, ne veut surtout pas croiser le chemin d'un soignant en psychiatrie. Surtout pas. La dernière personne au monde à croiser en ce moment serait un soignant en psychiatrie. Au monde.

 

24 JUIN 14h30

Chez lui, Patrice ressent un élan de tendresse comme il n'en a pas connu depuis des années envers sa femme, il se blottit dans ses bras comme en un refuge et reste là de longues minutes, elle l'accueille dans sa chaleur, calme et sans poser de question.

 

25 JUIN 9h

Au médecin (généraliste) que sa femme a appelé, il ne dit rien. Patrice est décidé à ne rien dire à personne. Ni à sa femme ni au médecin ni à personne.

Ce genre d'histoire, mon petit, c'est un coup à se retrouver en maison de repos pour des années, alors que tout va bien.

Hein que tout va bien ?

Le médecin ausculte, questionne, se gratte la barbe, signe un arrêt de travail de dix jours. Ordonne quelques calmants légers. Patrice lui trouve une ressemblance criante avec le barman disparu et réapparu mais ne dit rien. Surtout ne dit rien, Patrice est décidé à ne rien dire à personne.

Le médecin repart avec un sourire entendu.

 

25 JUIN – 21 h

Patrice va tout à fait bien. Il n'a plus ce regard égaré qu'il avait à son retour chez lui. Il ne pense plus aux curés nus ni aux clients évaporés dans le bar.

Bien qu'elle n'ait pas posé une seule question, Patrice sent qu'il doit quelques explications à sa femme.

Tu vas faire une connerie mon petit.

Ta gueule, faut que je lui parle.

Tu ne devrais pas.

Ta gueule j'ai dit.

 

— Maintenant que ça va mieux, j'aimerais qu'on parle.

— Je ne te demande rien, tu sais.

— Je sais, mais je préfère. D'abord je n'ai pas disparu avec une autre femme.

— Je le sais.

— Tu le sais ?

— Je le sens.

— Il m'est arrivé quelque chose d'étrange, quelque chose que la raison ne peut pas admettre.  

— Tu as vu des curés nus.

— Pas seulement.

 

Après avoir décrit la scène du bar, Patrice reste un long moment la tête dans les mains, comme si la narration suffisait à réveiller la douleur.

 

— Il y a peut-être une porte, sur le côté, que tu n'as pas vue, et dans le temps où tu t'es levé, ils ont pu passer cette porte, les gens.

— Je ne crois pas non.

— Peut-être... Peut-être tu devrais voir un psy.

 

26 JUIN - 14h

Pour la première fois Patrice sort promener en début d'après-midi, passe par hasard devant une une librairie, entre, achète l'Encyclopédie mondiale du cinéma, d'un certain Olivier Madrot, en cinq tomes.

Décidément, il y a un lien entre les Olivier et le cinéma.

Une coïncidence, mon petit, une simple coïncidence.

L'autre avait pour nom Dromat. L'exacte anagramme de Madrot.

Et tu appelles ça une coïncidence.

Pourquoi pas Motard, aussi ?

Et ce vendeur, dis, il ressemble comme deux gouttes d'eau au médecin.

Qui lui-même ressemblait au barman disparu et réapparu.

Non, pas ressemblait, ce sont les mêmes, une seule personne.

Le monde est en boucle.

Passons.

C'est ça, passons, fais l'autruche.

J'ai dit passons.

 

26 JUIN - 16h

Il pourra déjà éliminer tous les films en noir et blanc.

Et tous ceux tournés dans des pays asiatiques et africains.

Pas mal.

 

27 JUIN

La tête pleine de films, de comédiens, de réalisateurs, Patrice interrompt sa quête pour s'aérer un moment. Passe au gré d'une promenade improvisée, par la rue de l'Esprit gémissant en proie aux longs ennuis, s'arrête devant le bar. En scrute l'intérieur à travers la vitrine. Il y a là un couple devant des cafés, un homme seul compulsant un dossier. Tout semble normal. Trois, tout de même. Trois personnes.

Le cœur battant Patrice pousse la porte du bar, s'assoit à une table. Le barman lui apporte son café, s'en repart vers son bar. Il ne semble pas l'avoir reconnu, ne manifeste rien. Pendant les trois minutes suivantes, Patrice remue un café qu'il n'a pas sucré. Fait comme il a vu faire dans les films d'espionnage : des coups d'œil furtifs vers les tables occupées, l'air de rien.

Mais les gens ne se lèvent pas.

Ne vont pas vers le bar.

Ne disparaissent pas.

Tout est normal.

La sueur qui avait commencé à couler dans le dos de Patrice, s'arrête.

Le café est froid.

 

 

29 JUIN

Trois jours et une nuit sur l'encyclopédie.

Rien.

 

30 JUIN - 10h30

Cher Patrice,

Tu trouveras ci-joint un chèque de 28507 euros correspondant à ta commission personnelle pour la vente Cléry.

Les Allemands sont revenus sur leur décision, et malgré ses menaces la Cléry était coincée, nous avions encore le mandat au moment de la visite. Nous anticipons un peu sur la vente officielle en espérant que cette nouvelle te regonflera le moral.

Nous t'attendons pour boire le Champagne

Bien à toi,


Christian Lévêque

Directeur général.

 

30 JUIN – 23 h10

Un chat miaule.

 

 

 

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