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29 août 2014 5 29 /08 /août /2014 21:52

 

 

CAS DE CORALIE ROMBE-GIRANTE CONSIDÉRÉ SUR LE PLAN DE SES PRATIQUES SEXUELLES, DE SES RELATIONS AVEC LES HOMMES, DES INTÉRÊTS ET DÉSINTÉRÊTS QU'ELLE TROUVE À LEUR COMMERCE.

 

 

 

Commençons, pour tenter une approche circonstanciée du personnage, par ce court dialogue :

 

Il est rare à un premier rendez-vous, de rencontrer une personnalité aussi forte, pardon de vous le dire ainsi mais vous dégagez une énergie qui

Vous avez un radiateur sèche-serviettes dans votre salle de bains ?

Euh... oui.

A barreaux tubulaires ?

Nnnon, il est, comment dire... plat, voyez-vous, c'est une sorte de

Vous envisagez de le changer prochainement ?

Mais, euh, non, c'est à dire qu'il fonctionne bien et

Alors ne dites rien. J'ai été ravie de vous rencontrer, merci pour le café.

 

Il est un fait que Coralie apprécie particulièrement les radiateurs sèche-serviettes verticaux à barreaux tubulaires. Ce n'est pas la marque d'un déséquilibre mental ou d'un caprice d'enfant gâté, elle apprécie les radiateurs sèche-serviettes verticaux à barreaux tubulaires parce qu'elle peut s'y accrocher des deux mains, le corps en suspension, tandis que son compagnon la pénètre ; aussi, la première question qu'elle pose lors d'une rencontre est celle de la présence ou non d'un radiateur sèche-serviettes vertical à barreaux tubulaires dans l'appartement du prétendant. Si la réponse est négative, ce dernier n'a que peu de chances de parvenir à ses fins, disposerait-il d'une gueule de prince charmant et de tous les atours de la richesse affichée. Un sursis peut lui être accordé dans la mesure où il propose sur le champ d'en faire installer un le lendemain, il a justement un copain plombier, etc.

Si la mine affichée est par trop étonnée face à la question, elle se trouve obligée de considérer que l'autre la prend pour une folle, ce qui, de fait, réduit fortement sa capacité de séduction en même temps que la durée de l'entretien.

 

Coralie n'est pas une maniaque ni ne souffre d'aucune perversion sexuelle en particulier. Enfin, disons tout de même qu'elle a un problème – et voyez comme le mot sent mauvais dans ce contexte, à tel point qu’il est placé en italiques pour l'isoler des autres –, elle ne peut pas faire l'amour chez elle, dans son propre appartement. La chose s'est installée progressivement mais un jour elle a bien été obligée de constater qu'elle n'avait pas fait ça chez elle depuis des mois, ensuite, les mois sont devenus des années. Il serait bien compliqué (et présomptueux de la part d'un simple narrateur) de prétendre expliquer le phénomène au lecteur en attente d'explication. Le lecteur en attente d'explication devra s'en passer ou passer son chemin, Coralie ne fait pas l'amour chez elle parce qu'elle n'aime pas ça. Je conviens que l'explication est un peu courte mais c'est ainsi, elle déteste la routine, vomit la répétition, exècre l'immobilité immobilière.

 

Sa vie, du coup, n'est pas simple, soit elle a un compagnon régulier qui accepte de courir les hôtels, les appartements prêtés par des amis, les banquettes arrières de voitures, etc. sachant en outre que cela ne finira jamais, soit elle ne veut pas faire subir ça à un homme dont elle est amoureuse et sacrifie l'idylle sur l'autel de sa libido itinérante. En conséquence, elle se trouve il faut bien le dire, plongée dans une certaine instabilité.

 

La plus belle période de sa vie fut celle où elle vécut avec un cambrioleur. Elle le suivait dans ses expéditions nocturnes, excitée par les lieux ; son compagnon, au mépris du danger, par les situations. Elle en a profité pour baiser dans les endroits les plus improbables :

sur le bureau d'un notaire ;

dans le lit conjugal d'un député ;

couchée sur des toiles d'art contemporain ;

dans un dressing de la taille de la galerie des glaces sur un manteau en fourrure (qu'elle a pris plaisir à compisser avant de partir) ;

chez un collectionneur d'art ancien, empalée sur le phallus de bronze d'une statue ;

sur des toilettes à l'abattant plaqué or (embarqué par le cambrioleur à la fin des ébats, aujourd'hui exposé sur un des murs de son appartement, elle ne le regarde jamais sans une pensée émue) ;

chez un vendeur de radiateurs (4 fois) ;

sur le tableau de bord d'un yacht de vingt-cinq mètres ;

dans la chambre froide d'un supermarché, suspendue entre des carcasses d'animaux ;

dans les cuisines d'un grand restaurant (après qu'elle eut trempé son cul dans un fond de sauce et qu'elle se le fut fait lécher par son complice) ;

dans une serre tropicale aux senteurs entêtantes ;

à l'arrière d'un camion de dix-huit mètres, sur des cartons de matériel informatique ;

 

La prochaine fois, trouve-moi du plus confortable, s'il te plaît.

A vos ordres, princesse, qu'est-ce qui vous ferait plaisir ?

Mh, voyons... des tapis anciens, tiens, pour changer.

Vendu.

Attention hein, anciens, pas des copies.

― Voyons, pour qui me prenez-vous ? Je sais bien que la noblesse de votre chatte ne saurait s'accommoder de couler sur de la copie.

 

Mais bien entendu, elle n'a pas toujours la même chance dans la loterie des hommes qui traversent sa vie, et doit souvent se contenter de mises en scènes beaucoup plus simples, pour ne pas dire simplistes – quand elles ne sont pas sordides. La plupart des hommes se moquent de ses lubies et n'ont pas l'ouverture d'esprit nécessaire pour comprendre la situation ; alors qu'ils devraient se réjouir de tenir là le ferment nécessaire à la longévité d'une histoire d'amour, tous s'empressent de mettre de la distance avec Coralie et de s'en aller raconter au premier venu comment ils ont sauté une folle dans les toilettes d'un restaurant. Le mâle frétillant veut bien faire quelques concessions aux élucubrations d'une conquête en devenir, il ne veut pas sacrifier sa tranquillité aux délires d'une nymphomane secouée, comme ils disent en racontant leur histoire au premier venu.

 

Non ? Tu rigoles ?

Je te jure, elle est comme ça.

Mais quand même, un wagon, des gens auraient pu entrer à n'importe quel moment.

Ah il il faut en vouloir, je te le dis.

Je croyais que ça n'existait que dans les films américains ce genre de truc.

Moi aussi jusque là.

Ça valait le coup au moins ?

Ah ça !

Déjà pas mal.

Oui, mais de là à continuer tu vois... Tu te vois vivre comme ça, dans l'angoisse permanente de savoir ce qu'elle va inventer la prochaine fois ?

Ça te fera une expérience originale.

Une expérience.

 

 

C'est ainsi que d'amant en amant, de chambre d'hôtel en lits de fortune, de renoncement en renoncement, Coralie a vieilli doucement. En dehors du cambrioleur, aucun parmi les hommes qu'elle a croisés n'a souhaité rester auprès d'elle après la première expérience sexuelle – le cambrioleur, lui, à la suite d'une intervention ratée, s'est vu octroyer pour plusieurs années par l'état un lieu de résidence n'autorisant plus les batifolages à deux.

Les capacités de séduction de Coralie se sont peu à peu émoussées, elle a atteint aujourd'hui à une certaine philosophie qui lui fait délaisser le commerce de la chair des hommes au profit de la vie intérieure – si elle ne s'en trouve pas forcément mieux, elle ne s'en trouve pas plus mal et au moins ne regarde-t-elle plus son lit comme un ennemi.

 

 

 

  CSC_0068-copie-1.JPG

 

 

 

 

 

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